Les musées à caractère scientifique, des havres culturels à part entière

Une immersion sur la planète Mars au Cosmodôme de Laval, est-ce plus culturel ou davantage scientifique? Et une exposition qui jette un éclairage scientifique sur le racisme et les préjugés au Musée Armand-Frappier? Parce qu’elles ne relèvent pas du domaine culturel tel que le ministère de la Culture et des Communications (MCC) le conçoit, les activités des musées lavallois à caractère scientifique ont peiné à se doter d’un budget de fonctionnement pérenne. Bien que très populaires, elles passaient jusqu’à récemment au travers des mailles du filet institutionnel québécois.

Le 3 octobre dernier, le gouvernement du Québec accordait une aide financière de 3 670 810 $ au Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) afin de soutenir la mission de seize institutions muséales à vocation scientifique et technologique. À titre de comparaison, en 2018-2019, ce sont neuf de ces institutions qui avaient pu bénéficier d’une aide ponctuelle de 3 000 000 $ du gouvernement. L’annonce a été bien reçue par les musées et il serait souhaitable que le Fonds bonifie et pérennise cette enveloppe dans l’objectif de continuer à soutenir la culture scientifique comme une partie intégrante du secteur culturel.

La culture scientifique comme domaine culturel

La culture scientifique a de nombreux atomes crochus avec le champ culturel : la mise en scène de la science est un outil productif pour créer, à l’extérieur des écoles, des interfaces compréhensives entre divers univers de connaissances. La culture scientifique devient donc un volet de la culture générale. Elle est également une ressource prolifique pour engager les publics, comme le fait la médiation culturelle, sur des thèmes d’actualité comme la science et les technologies numériques, le développement durable ou l’alimentation et son impact sur les écosystèmes. La culture scientifique est aussi dotée d’un fort potentiel récréotouristique. Selon les chiffres de 2015 de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, les musées scientifiques, bien qu’ils ne représentent que 14 % des institutions muséales, accueillent 35 % des visites.

Dans un contexte où les faits qui font consensus au sein de la communauté scientifique sont parfois remis en question, il est primordial de permettre aux « individus de s’engager dans des questions et des idées en rapport avec la science en tant que citoyens réfléchis », pour reprendre la définition de la culture scientifique de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Un sceau d’excellence pour les musées

Bonne nouvelle : les musées scientifiques obtiennent une fois de plus du respect. L’agrément des institutions muséales québécoises, délivré le 10 mai dernier à 149 institutions par le ministère de la Culture et des Communications du Québec, reconnaît des institutions qui gagneront ainsi en crédibilité et en visibilité auprès de partenaires et de publics potentiels.

Cette attestation de qualité, valide pour cinq ans, est attribuée aux institutions qui respectent des normes de qualité reconnues à l’échelle internationale en matière de gouvernance et de pratiques muséologiques.

Les institutions agréées bénéficient d’une reconnaissance gouvernementale, sous la forme d’un sceau. Source : MCC

À Laval, le Centre d’interprétation de l’eau (C.I.EAU), le Cosmodôme, le Musée Armand-Frappier et le Parc de la Rivière-des-Mille-Îles ont reçu cet agrément, c’est-à-dire l’ensemble des musées scientifiques de la ville.

Ces quatre musées souhaitent continuer à collaborer avec le Fonds de recherche du Québec afin d’assurer la pérennité de ce financement. Ils espèrent en outre voir croître ce soutien, puisque les sommes accordées s’avèrent insuffisantes.

Vers la création d’un musée scientifique national au Québec?

Le gouvernement du Québec veut s’engager à soutenir, sur une base récurrente et suffisante, les musées à caractère scientifique. Comme première piste de solution, certains musées scientifiques québécois voudraient que le Québec se dote, comme d’autres provinces canadiennes, d’un musée national qui se déploierait à travers des satellites – les musées actuels – répartis sur le territoire. Ce modèle s’inspirerait du Muséum national d’histoire naturelle de France.

Quant à la gouvernance municipale, la Ville de Laval supporte ses institutions à caractère scientifique depuis plusieurs années et elle sait qu’il faut continuer à inscrire ces institutions comme leviers de développement économique, social et touristique, en plus de les mobiliser activement dans l’affirmation de l’identité culturelle lavalloise.

Un pôle de culture scientifique à Laval

Dans ce paysage muséal à caractère scientifique, Laval brille particulièrement. Son rayonnement n’ira qu’en s’accentuant grâce au projet de développement et de relocalisation du Musée Armand-Frappier, qui sera bientôt réalisé. Le 10 septembre 2019, le conseil municipal de la Ville de Laval mandatait l’entreprise Cosoltec pour la conception et la construction du Musée renouvelé, un projet d’un peu plus de 12 000 000 $. Le nouveau bâtiment connexe au Cosmodôme, qui visera la certification LEED Or, hébergera le Musée Armand-Frappier et contribuera à la création d’un pôle scientifique au centre-ville. Ce pôle est déjà dynamisé par le Collège Montmorency, qui offre une formation technique en muséologie, unique programme du genre au Québec.

À l’heure où le quadrilatère Montmorency est en pleine transformation, notamment dans le cadre de la vision Métamorphoses créatives, ne serait-il pas opportun d’ancrer la valeur culturelle de la science dans l’esprit du secteur à travers des activités extra-muros et d’ainsi contribuer au rayonnement des institutions locales en culture scientifique?

Photo: le Musée Armand-Frappier